mardi 6 mai 2008

Edito

Metis Conseil est un cabinet spécialisé dans l'audit, l'évaluation et le conseil. Son activité est centrée essentiellement sur le dispositif de bilan de compétences et n'est composé que d'une seule personne, moi-même.
Consultant indépendant depuis 6 ans, aprés un parcours professionnel et de formation trés "éclectique" j'ai fait le choix de me consacrer au dispositif de bilan pour tenter de le faire progresser dans des directions qui respectent tout à la fois la réglementation mais aussi pour lui donner les impulsions qui lui font quelquefois défaut en matière de pratiques, de réalisme et beaucoup plus rarement (fort heureusement) de dévoiement. Loin d'être détenteur de la parole divine dans ce domaine, j'ai par contre une solide expérience de ce dispositif au travers de son évaluation tout au long de l'année et de la rencontre de la diversité de ses pratiques.
Ce blog n'a d'autre but que de permettre des échanges sur ce thème, échanges techniques entre commanditaires, praticiens et utilisateurs du dispositif de bilan.
Vos contributions seront les bienvenues pour peu qu'elles soient constructives, argumentées et "intellectuellement honnêtes".

Les pratiques professionnelles de bilan de compétences au carrefour de déterminants individuels et sociaux complexes.

Cette réflexion prend son origine en tout premier lieu dans une mission d’audit et d’évaluation des centres de bilan de compétences pour le compte des FONGECIF (Fonds de gestion des congés individuels de formation qui finance la majorité des bilans en France). L’auteur est auditeur pour plusieurs Fonds régionaux et intervient depuis 6 ans sur 1/3 du territoire. La mission comporte à la fois une évaluation de la conformité des prestations et une évaluation qualitative des bilans réalisés. En outre, des études qualitatives sont réalisées chaque année à partir d’un questionnaire systématique envoyé à chaque salarié. notre réflexion s'appuie donc sur l’évaluation depuis 6 ans de 450 centres de bilan environ et sur les retours d’un millier de questionnaires (traités par logiciel).

Les constats sur les pratiques sont le fruit d’audits réguliers, à la fois de prestataires désireux d’entrer sur la liste des Fongecif mais aussi du suivi qualitatif des prestataires partenaires de longue date des financeurs. Plusieurs groupes de travail sur des thèmes spécifiques et des modules de professionnalisation des professionnels du bilan ont été organisés et ont été l’occasion de confronter les pratiques de bilan de compétences. Le constat réalisé est que les pratiques de bilan sont très différentes les unes des autres, les demandes ayant aussi des composantes variables et que les déterminants des pratiques prennent leurs sources dans la conjonction de facteurs multiples. On y trouve les attentes individuelles du salarié à l’égard de son bilan et des représentations qu’il s’en fait, les types de professionnels en charge de les accompagner (formation d’origine, âge, expérience), les finalités sociales du dispositif inscrites à la fois dans le cadre réglementaire et dans les attentes des financeurs et enfin les outils/méthodes et démarches mises en œuvre.

Ce que cette réflexion tend à démontrer, c’est que chaque bilan est peut-être « une histoire qui s’invente au fur et mesure qu’elle s’écrit » mais aussi que chacun de ses acteurs en influence l’écriture et son contenu d’une part et que cet « espace de transition » pour reprendre Barragan K., Hardy-Dubernet A.-C. en 2005, est pour partie déjà déterminé par des invariants liées à des causes stables en lien avec les professionnels en action, leurs postures professionnelles, leurs choix méthodologiques et leurs propres représentations des finalités sociales du dispositif.

Un élément émergeant de la pratique des centres de bilan et de leurs professionnels est constitué par les synthèses de bilan remises au salarié à l’issue de celui-ci. Notre expérience s’appuie sur plusieurs centaines de documents de synthèses étudiées et évaluées durant la mission d’audit qualité. Ces documents sont à la fois révélateurs des pratiques de bilan (qu’elles décrivent le plus souvent), des finalités du bilan (le rapport entre l’analyse de la demande, les objectifs définis et les projets élaborés) mais aussi de la trace que les professionnels veulent laisser de leur travail (le document de synthèse étant le seul élément officiel et diffusable dans le cadre d’un usage social, outre le fait qu’il déclenche le payement de la prestation par le financeur). C’est aussi de la mise en relation de ces documents avec les pratiques de bilan et les finalités sociales poursuivies que cette article propose de rendre compte.

Enfin, les psychologues du travail représentent aujourd’hui une majorité des conseillers en bilan. Leur place, leur rôle dans ce dispositif (historiquement, comme facteur d’influence des pratiques et des innovations) n’est pas sans impacter les pratiques ni en déterminer les orientations à venir. D’autre part, des nouveaux praticiens en bilan (venus d’horizons théoriques ou expérientiels différents) se révèlent de plus en plus nombreux et ouvrent le bilan vers d’autres perspectives et d’autres pratiques. Aujourd'hui, certains discours tendent à remettre en cause la pertinence de leur rôle central dans les bilans. Au delà de la polémique que cela entraîne, la question mérite tout de même d'être posée et débattue si l'on observe de près l'orientation des pratiques que leur influence induit et que l'on juxtapose celles-ci aux attentes des financeurs d'une part et aux contraintes réglementaires d'autre part. La question reste aujourd'hui plus ouverte, actuelle et fondamentale qu'elle ne l'a jamais été pour l'existence du dispositif. Mais force est de constater que ce thème reste curieusement absent des colloques et débats tant universitaires que professionnels sur ce sujet.
Sylvain Lacaille
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